Quand
on n’a pas d’accès à la place de l’Autre – et c’est justement le cas du sujet désigné
« autiste » – on est à sa merci, absolument soumis à la politique de cet Autre*.
En Espagne, ça marche aussi au pas des lobbys plus ou moins organisés
qui demandent une normalisation du sujet autiste, son adaptation au milieu de
l’Autre, d’une façon peut-être moins systématisée qu’en France mais non pas
moins effective.
Nous
avons réussi, au moins en Catalogne, à faire suspendre une loi qui voulait
imposer l’exclusivité des traitements cognitivo-comportamentaux pour l’autisme
et à faire reconnaître par les pouvoirs publics la diversité des traitements
possibles et déjà existants dans le réseau public, réseau dans lequel la
psychanalyse est largement représentée. C’est une façon d’avoir une incidence
sur la politique de l’Autre, et même une façon d’éduquer cet Autre dans le sens
le plus démocratique du terme, mais surtout dans le sens que Jacques-Alain
Miller a mis en relief au moment d’étudier le rapport de l’enfant au savoir :
si la mission pédagogique tente habituellement d’éduquer l’enfant en localisant
le savoir du côté de l’Autre, la psychanalyse soutient que « c’est
l’enfant qui est supposé savoir, et c’est plutôt l’Autre qu’il s’agit d’éduquer,
c’est à l’Autre qu’il convient d’apprendre à se tenir » (1).
C’est aussi le pari politique pris par quelques
associations nées dans les dernières années pour répondre à une certaine dérive
de l’Autre dans son impossibilité de faire place au sujet désigné « autiste ».
C’est le cas de Teadir (2) en Espagne, qui a diffusé récemment
un documentaire émouvant, Unes altres veus (3) ; c’est le
cas aussi de l’association « La main à l’oreille » (4) en France. Et c’est chez la présidente
de cette dernière association, Mme Mireille Battut, que je veux prendre une
indication qui vaut tout un programme de traitement mais aussi tout un
programme politique pour le sujet d’aujourd’hui, de plus en plus soumis à la
politique de l’Autre : « Alors, comment traduire ? Je pense qu’en
utilisant une richesse de la langue espagnole qui n’existe pas en français,
nous pouvons faire la distinction entre ser et estar. Nous considérons
qu’il faut accueillir le mode de ser autistique pour qu’il puisse estar
dans la vie publique, avec sa différence, et même avec son silence. » (5)
Accueillir
donc la singularité de l’être (ser) autiste – son mode de jouir,
disons-nous aussi – pour rendre possible qu’il puisse avoir une place (estar)
dans la cité – dans cet Autre à qui il nous faut nous adresser. Voici la
politique de l’Autre quand il est touché par le discours analytique.
* Texte publié dans "Le Point du Jour" des Journée de l'ECF nº 65, Septembre 2012.
1. Jacques-Alain Miller, "L’enfant et le savoir", Présentation du thème de la deuxième Journée d’étude de l’Institut de l’Enfant, prononcée le 19 mars 2011, en conclusion de la première Journée d’étude de l’Institut de l’Enfant, http://www.lacan-universite.fr/?p=2012
2. http://www.associacioteadir.org
3. http://unesaltresveus.teidees.com
4. http://ampblog2006.blogspot.com.es/2012/09/info-creation-association-la-main.html
5. Je remercie Mme Mireille Battut de m’avoir permis de reprendre ces mots adressés dans un message personnel à des collègues du Champ freudien.
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