R : Oui. On entend partout et souvent, avec un accent d’impuissance : il y a une crise de l’autorité. Il y a une crise d’autorité dans la famille, de l’autorité du père d’abord qui en était jadis son vénérable représentant. Il y a une crise de l’autorité pédagogique des enseignants qui n’arrivent pas à se faire respecter par leurs élèves. Il y a une crise de l’autorité épistémique des savants scientifiques, là où les comités d’éthique doivent garantir leurs recherches et les conséquences de leurs progrès. Il y a aussi, bien sûr, une crise de l’autorité ecclésiastique dans le domaine de la religion et de ses hiérarchies, toujours suspectes d’agir suivant des désirs qui ne sont pas conformes à la sainte béatitude d’une autorité exemplaire. Et il y a aussi et surtout une crise de l’autorité politique, dans les pays d’Occident où les démocraties formelles deviennent de plus en plus ce qu’on nomme « démocraties autoritaires », ou même « démocraties sans politique ». Aujourd'hui, c’est dans le domaine de la politique que les autorités sont le plus questionnées, contestées ; c’est là où la fonction de l’autorité a le plus de mal à s’exercer, là où les autorités ont le plus de mal à se faire reconnaitre ou à se reconnaitre entre elles. « Ils ne nous représentent pas », dit-on dans une revendication qui rejette toute possibilité de se faire représenter par une autorité quelconque.
Qs : Y a-t-il une crise de l’autorité particulière à notre monde contemporain?
R : En fait, si l'on passe en revue l'histoire, l'autorité a été toujours en crise dès lors qu'elle doit justifier ce qui l’autorise, ce dont elle s’autorise, c’est-à-dire ce qui la constitue comme autorité. Plus elle doit se justifier, plus elle s’affaiblit. Et plus elle s’affaiblit, plus on trouve des formes de plus en plus dures d’autoritarisme. Elles vont de l’usage du pouvoir par la force physique, voire la violence jusqu’au recours à la force de la norme juridique où elle cherche de trouver sa garantie. Jacques Lacan l’avait déjà signalé : il y a un rapport entre la perte d’autorité et l’exercice du pouvoir, je cite : « l’impuissance à soutenir authentiquement une praxis, se rabat, comme il est en l’histoire des hommes commun, sur l’exercice d’un pouvoir » (Écrits, p. 586). C’est donc dans l’impuissance à s’autoriser de façon authentique d’une pratique —pédagogique, thérapeutique, politique, etc.— qu’on trouve la pente à l’autoritarisme et à l’exercice d’un pouvoir par la force physique ou par celle de la loi.
Qs : Quel lien établissez-vous entre autoritarisme et autorité?
R : Il y a un cercle vicieux entre autoritarisme et crise d'autorité —l'un se nourrit de l'autre, l'un est un effet de l'autre. Il a été largement étudié par de nombreux penseurs —d’Hannah Arendt à Michel Foucault—, notamment après la Seconde Guerre mondiale, moment qui scelle le déclin des figures classiques de l'autorité. Lacan avait déjà interprété à ce moment-là ce déclin comme celui « de l’imago paternelle ». Il faut suivre les traces de ce déclin de l’image classique du père pour comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui du fait de ces nouvelles formes d’autoritarisme. Lacan l’a souligné peu après : cela va « du père au pire ». La chute de l’autorité du père n’annonce pas un rapport plus libre à l’autorité. Toutes les tentatives de restaurer cette image du père semblent plutôt nourrir des formes renouvelées d’autoritarisme.
Qs : Autorité et autoritarisme, quel rapport avec la loi?
R : L'autoritarisme devient le symptôme de la disparition de l’autorité elle-même. On le constate en particulier dans l’usage du pouvoir et de la violence qui ne respecte plus la singularité des personnes. Et la disparition de l'autorité fait émerger l'usage du pouvoir de la force, celui de la norme juridique ou bien celui de la force physique. C’est Kojève — le seul maître que Lacan s’est reconnu dans le champ de la philosophie et de la politique— qui a su le voir avec lucidité, juste après la débâcle de la Seconde Guerre Mondiale. Il écrivait, en effet, dans son célèbre essai sur l’Autorité : « On peut dire que la Légalité est le cadavre de l’Autorité ; ou, plus exactement, sa ‘momie’ —un corps qui dure tout en étant privé d’âme ou de vie ».
L’autoritarisme tend à se poser comme une autorité universelle qui vaudrait pour « tous ». C’est ainsi qu’on croit fonder une autorité en politique, car gouverner pour tous, c’est toujours la promesse au nom de la loi. Mais cela touche bientôt un impossible, car il n’y a pas d’universel sans ségrégation, sans une exception qui reste impossible à gouverner. Plus on tend à une autorité universelle et plus on parvient à une position autoritaire.
Qs : Comment définir l’autorité dans le discours analytique?
R : La question de l’autorité se pose aussi dans le discours analytique : y-a-t-il une autorité qui puisse se fonder, non pas sur un « pour tous » mais sur ce point de butée qui fait objection au « tout » ? Ce serait une autorité fondée sur la logique du « pas tout », telle que Lacan l’avait formulée à propos de la position féminine. C’est-là le point de départ d’un programme à développer pour une politique de l’autorité analytique : une politique du pas-tout. Elle serait contrainte à entretenir une conversation continuelle avec ce qui fait toujours exception.
Pour nous en faire une idée, écoutons le poète Majorquin Blai Bonet. Il a formulé un beau paradoxe : « Nul n'est autorisé à ne pas avoir une autorité propre ». C’est la maxime de quelqu’un qui n'attend pas l'autorisation d’un Autre universel. Au contraire, il tient compte de la singularité comme le lieu d'affirmation d'une autorité authentique. Cette maxime ne dit pas, comme le dirait un bon Maître, « Tout le monde est autorisé à.… », ce qui serait plaisant à entendre pour tout un chacun. Cette maxime commence par : « Nul n'est autorisé à… », c’est-à-dire : « Il n'y en a pas un, pas même celui qui énonce cette maxime, qui soit autorisé à quoi que ce soit dès le départ ». Et, puisqu'il n'y en a pas un, alors on devra envisager le un par un. On devra vérifier comment chacun s’autorise de sa propre autorité.
Une telle maxime vise à mettre chacun dans sa position singulière de sujet de la parole, à s’autoriser de soi-même contre toute forme d’autoritarisme, et dans une conversation continuelle avec les autres.
1 comentari:
Yo crec, senyor Bassols, que eixa excepció o element discordant és la "manca" que fa a tots o millor a la majoria identificar-se contra ell i junts poder,p autoritat i poble, per a fer-lo el boc expiatori.
Com quan folls o homosexuals o gitanos i, és trist de dir açò, feien de boc expiatori i d'elements no desitjats i unien les poblacions contra el perill d'esdevindre un d'ells o el perill d'enfrontar-s'hi.
L'única solució a la pèrdua d'autoritat ha de ser la transició contínua a una justícia universal i, això només pot passar si hi ha un pluralisme sinse globalització, fer del món una globalització desglobalitzada i atomitzada, on els valencians, per exemple siguem ab la nostra llengua els fanfarrons d'Espanya o els catalans els polacos.
Hi ha en esta pèrdua d'autoritat lo que yo anomene l'EGE, endogàmia, globalització i entropia, que com diuen Lacan i Dalí del coneixement, és paranoic i, tots sabem el desenllaç final de la vertadera paranoia.
És precís un cert desconeixement de tots, una desglobalització i, la figura del Pare, que ha globalitzat el feminisme radical.
I els mitjans de comunicació ab la xàrcia d'Internet ha tingut molt a vore, el món és del tot previsible.
Hui hi ha una bipolarització bàsica entre les elits anglosaxones i la manera de vore el món clàssica europea, o cristiana, que polaritza en esta crisi el senyor Putin.
Cal una tornada a les raïls i això només ens ho pot donar la part de l'atomització.
En fi, espere que no siga cert el concepte de Heidegger i puguem tornar, gràcies a la paraula feta llei i portada per una àmplia minoria, a la figura del Pare i amb ell, Ell, l'autoritat.
Un abraç des de Valéncia, senyor Bassols.
Vicent Adsuara i Rollan
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