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18 de juny 2005
Les TCC : un fourre-tout
Ce que l’on nous présente aujourd’hui sous les sigles TCC (Thérapies Cognitives et Comportementales) est en fait un fourre-tout, un mélange de pratiques de control social et d’adaptation à la réalité dont on doit se demander quel est le facteur commun qui les lie dans sa prolifération et dans sa promotion universitaire. Ce sont un « fourre-tout », un cajón de-sastre, dit-on en espagnol, ce qui fait équivoque entre le tiroir du tailleur, où l’on peut trouver n’importe quoi, et un tiroir ou une boîte-désastre, pour évoquer la black box qui est à l’origine du behaviorisme de Watson et qui efface la dimension du sujet entre le stimulus et la réponse objectivée.La première différence à faire dans ce fourre-tout tient à la notion même de cognition dont on pourrait penser qu’elle fait l’unité épistémique de ces pratiques. Bien au contraire, elle est justement l’alibi de ce manque d’unité. Tel qu’Eric Laurent l’a souligné, - dans un livre qui va sortir en espagnol sur ce sujet et dont je ne vais pas dévoiler le si joli titre -, il faut distinguer l’usage de la notion de cognition dans les TCC et dans les sciences cognitives elles-mêmes. «Leur rapport, (…) est extrêmement vague. Il ne permet d’établir aucun lien entre les pratiques des TCC et les modèles théoriques proposés par les sciences cognitives. » D’une part, les sciences cognitives – que, ne l’oublions pas, sont nées d’une dérivation dégradée des désenchantés de la psychanalyse comme Beck et Ellis – se sont construits comme une critique au comportementalisme classique en proposant d’ouvrir la black box pour y trouver le système cognitif, définit, par exemple par Beck lui-même, d’une façon si flou comme « les pensées, les images, les rêveries et les résultats de tels procès ». Ce n’est que le reflet du procès d’information – dans un modèle cybernétique – utilisé par chaque individu et qui est exprimé comme des représentations internes. D’autre part, les TCC se réfèrent toujours à une notion très vague de cognition qui reste liée de façon irréductible à une intentionnalité floue et opaque de l’individu, à une sorte de supposition de ce qui n’est pas observable.La notion de cognition – elle n’arrive pas à être proprement un concept – n’est finalement que le reflet imaginaire de l’objet de la connaissance dans la continuité temporelle du moi. C’est dans ce sens que nous pouvons affirmer aussi que les TCC sont les héritières de l’ancienne Ego Psychology qui avait réduit la psychanalyse américaine de l’après-guerre à une psychologie de l’adaptation à la réalité. La cognition est le corrélat imaginaire de la supposée consistance de la réalité.Il est très instructif de constater que l’unité imaginaire des TCC se correspond à la perfection avec la notion même de « cognition » qui fonctionne comme son standard. Si on cherche le point d’appui ultime de cette notion dans la pratique des TCC, on le trouve dans « la bonne façon de penser » que chaque thérapeute cognitiviste-comportementale utilise pour modifier ce qu’est finalement le trouble de son patient, c’est-à-dire ses « erreurs de la pensée ». La cognition vient ici à la place de la conduite inadaptée qu’il faut corriger selon la bonne cognition du thérapeute, cognition aussi imaginaire que le Moi que chaque thérapeute prend comme mesure de la réalité.
L’apparente continuité ou l’apparente unité homogène des TCC se révèle alors comme un reflet imaginaire de son propre objet de la connaissance, une unité qui est de plus en plus mise en question – on compte aujourd’hui pas moins de trente tendances diverses dans son sein – mais que chaque praticien peut utiliser comme l’alibi idéologique de son action suggestive sur son client.
Une fois encore on peut constater qu’une pratique n’a pas besoin d’être éclairé pour opérer, qu’elle met toujours en acte, comme autant de préjugés, les notions dont elle est serve quand elle ne peut pas arriver à expliciter sa logique.
Quel est, enfin, le ressort de ces pratiques selon ses notions mêmes ? Il faut souligner la place que, de plus en plus, occupe un terme qui se répand dans ses argumentations, une notion aussi que nous rencontrons ici et là, soit dans les textes universitaires ou bien dans les exemples pratiques. C’est le terme du « style du thérapeute », et c’est ce qui décide finalement, au-delà de la diversité des tendances et de son orientation clinique ou théorique, du ressort de sa pratique et de sa formation. Le style du thérapeute, si vague et subjective qu’il soit, est finalement ce qui fait l’unité dans les fourre-tout de ces pratiques.
Au-dessous de l’apparente unité imaginaire des TCC, au-dessous de la notion de cognition comme l’objet de la connaissance corrélative de l’unité imaginaire du moi, nous rencontrons finalement ce qui était en fait au commencement dans le black box du sujet : c’est ce que nous désignons avec le désir de l’Autre et qui fait fonction ici d’un simple préjugé du thérapeute dans sa pratique.
Et c’est justement pour échapper à ce préjugé, - celui même que les analystes postfreudiens avaient désigné avec une autre impropriété conceptuelle, celle du « contre transfert » -, que Jacques Lacan avait opposé le terme qui a pour nous le statut d’un concept, ressort et produit d’une formation aussi nécessaire qu’exigeante pour chaque praticien, ce désir qui est toujours à formaliser et à réinventer mais jamais à donner comme supposé dans l’Autre, et qui est « le désir de l’analyste ».